Cher semblable

C’est pas que j’aime pas les gens, c’est qu’ils m’emmerdent en ce moment.
C’est que j’aimerais bien les aimer mais d’un coup ils se mettent a parler, et vlan, patatra.
Ah la beauté du silence.
Quand on peut encore croire qu’on peut parler, qu’on est en face d’un etre humain, un semblable, un frère :).
Quand tout est encore possible, quand on peut encore faire semblant de croire.
Quand on se dit qu’on peut lâcher un : ras le cul du boulot et du pas boulot. Parlons d’autre chose veux tu bien. Quoi tu veux pas ? mais merde, crotte tien.
Laisse moi donc, je retourne dans mon monde, dans ma sphere, soit gentil, ne me perturbe pas, je te demande simplement ca : la paix.
Je ne demande rien de plus, je sais que c’est trop demander, juste la paix.
Rien, le calme, l’absence de mot.
Souris ca me fera plaisir, mais ne me demande pas ce que je fais dans la vie.
Sinon je vais etre obligée de te répondre que le plus clair de mon temps je passe a l’obscurcir. Parce que c’est du Vian et que vian je l’aime.
Et que oui je n’est pas envie de te répondre directement.
Parce que voilà hein, mince.
Parce que y’a pas de bonne réponse a apporter, et que j’ai pas envie ni d’en parler ni de t’entendre en parler.
Je veux pas voir ta petite tête faire comme si ca l’intéressait.
J’ai pas envie. Parce que d’abord moi ca m’intéresse pas. Alors tu vois, j’aime pas m’ennuyer et me forcer a parler.
Et puis c’est pour ton bien, tant que tu ne parle pas, tu peux encore etre aimable.
Une fois que tu as parlé c’est trop tard.
J’aimerais te dire que oui, parle moi de ton boulot tiens, comme ca se passe ?
Mais non, parce que le boulot ça m’ennuie.
Et les dissertations sur ce sujet, je sais pas moi, ca me fait plus de peine qu’autre chose, pas vraiment pour moi, tout court.
Et surtout je sais bien qu’au fond de toi cher semblable, il y a que c’est bien fait pour ma gueule. Of fait pas semblant, ça s’entend même quand tu te tais. J’ai entendu : ca t’arrange bien, j’ai entendu t’as qu’a faire ci t’as qu’a faire ça.
Et non, je ne suis ni amère ni parano.
Je sais. Je sais bien.
Un peu trop bien d’ailleurs, ce qui m’empêche d’avoir des illusions.
Je sais que j’ai pas l’autorisation de parler vraiment.
J’ai le droit si je veux de sortir quelques petits machins chiants.
J’ai le devoir de te faire un rapport detaillé de mes recherches.
Et si j’ai eu un appel d’un enfoiré de recruteur alors ton petit regard tout terne changera de couleur, et tu seras tout content et tu demanderas plus de détails. Alors alors… dis en moi plus. Et oui j’aurais piqué ta curiosité, trop chouette laissons donc la question se prolonger.
Quoi c’est pas un interrogatoire ? T’es sur ? Moi vraiment pas.
Et c’est ballot quand meme.
En chacun de nous repose t-il un flic ? Peut etre, peut etre pas pour tous, mais dans certains il est bien la, a ben ca, difficile de le louper.
Brigade de la moralité bonjour : alors Mde truc much ou en etes vous ? Répondez a la question sinon le mauvais flic va se pointer. Et je peux vous boucler pour non coopération avec les forces de la moralité.
Non mais c’est vrai, y’en a tant qui abusent du chômage n’est ce pas ?
Non mais tu veux quoi ? Que je fasses le brave petit cabot et que je dises : Oui.
Tu veux que je sortes ce genre de connerie pour mériter un susucre ?

Le susucre, très peu pour moi.
Et oui, les : y’en a qui abusent…
Foutez vous les tous au cul.
Hein, faut pas s’étonner après si ou je me mets en colère ou je ne parle plus.
Cet état d’esprit me sidère moi.
Allez, pour éviter les vannes, vannons les autres, les qui en chient aussi, mais qui l’ont bien cherché.
Et puis d’abord si tu dis pas : oui, c’est que t’en es n’est ce pas ?
C’est ca, tais toi, s’il te plait, t’es tellement plus sympa quand tu te tais.
Mais fan c’est pas obligé de se comporter comme un âne tout le temps.
Hein, c’est pas une obligation cher flic.
Tu voudrais pas le faire taire et me parler comme a une personne non attardée mentale ?
Non mais si je t’assure.
Et non, de ta bouche je ne veux aucune blague sur les chômeurs.
Non t’es pas autorisé mon pote. C’est comme ça, hein, t’as pas tous les droits.
Si toi pas comprendre ça être ton problème.
Alala.

Mais bon, tant que les mots ne sont pas sortis de ta bouche cher semblable,
Il me reste l’espoir,
L’espoir que si tu te tais, si tu restes silencieux ou que tu parles d’autre chose,
alors peut-être qu’on pourrait se poser tranquilles et papoter, de tout de rien
entre humains, entre potes,
sans le jugement, sans ta pseudo pitié,
et l’espoir, figure toi que c’est quelque chose de précieux.
Faut pas le malmener l’espoir, faut le préserver.
Alors je te parle pas, et ça ne me fait pas mal.
C’est mieux que rien, c’est déjà ça.
Et je peux te sourire,
Et je peux me dire que on est tous dans le même bain.
Qu’on fait tous de notre mieux comme on peut.
Je préfère pouvoir me le dire.
Non parce que figure toi que la réalité je la connais très bien.
Un peu trop bien même.
Alors ne parlons pas de ça.

Chantons, et crachons aussi,
j’ai envie de cracher ces temps ci,
crachons veux tu bien
ca me fera plaisir l’espace d’un instant,
j’ai envie d’avoir le droit de cracher en paix
le droit d’emmerder le monde parce qu’il l’a bien cherché.

Et puis le droit de rire en paix, de pleurer si je veux

Et de gueuler et puis de sourire.
Etre libre, tranquille.

Mais auprès de toi, semblable, ces temps ci c’est pas possible,
Alors je le suis avec moi, avec lui
Je chante et je crache en paix.


Parce que je sais qu’au fond rien de mal n’arrivera vraiment tant qu’il sera la.
Et il sera toujours la.