Le monde d'aujourd'hui nous oblige à accepter l'idée que l'humanité dans son ensemble ne forme qu'un seul tout.
Par le passé, des communautés ont pu penser qu'elles étaient fondamentalement séparées les unes des autres.
Mais aujourd'hui, comme viennent de nous l'apprendre les tragiques événements des Etats-Unis, ce qui survient dans une région du monde en affecte bien d'autres. Le monde devient de plus en plus interdépendant.
Dans ce nouveau contexte, il est clair que l'intérêt de chacun dépend du respect de l'intérêt de tous. Si l'on ne développe pas, si l'on ne met pas à l'ouvre ce sentiment de responsabilité universelle, notre avenir même sera en danger.

Je crois fortement que nous devons développer consciemment un plus grand sens de la responsabilité universelle.
Nous devons apprendre à agir non seulement pour nous-mêmes, pour les nôtres ou pour notre propre pays,
mais également pour le bien de l'humanité tout entière. La responsabilité universelle est la meilleure des bases pour construire à la fois notre bonheur personnel et la paix mondiale, pour définir un usage équitable de nos ressources naturelles et, dans l'intérêt des générations à venir, pour donner à l'environnement l'attention qu'il réclame.

De nombreux problèmes et conflits mondiaux naissent parce que nous avons perdu de vue ce caractère humain qui nous relie les uns aux autres comme les membres d'une même famille.
Nous avons tendance à oublier qu'en dépit de leur diversité de race, de religion, de culture, de langue, d'idéologie, etc., les peuples sont égaux dans leur désir fondamental de paix et de bonheur : tous nous voulons être heureux et aucun d'entre nous ne désire souffrir.
Nous nous efforçons du mieux que nous pouvons de réaliser nos désirs.
Cependant, même si nous faisons en théorie l'apologie de la diversité, bien souvent en pratique, nous ne la respectons pas, malheureusement.

En fait, notre incapacité à tenir compte des différences devient la cause majeure des conflits entre les peuples.
C'est un fait particulièrement attristant de l'histoire humaine que des conflits s'élèvent au nom de la religion.
Aujourd'hui même, des gens sont tués par un mauvais usage de la religion et par l'encouragement du fanatisme religieux et de la haine, des communautés sont détruites et des sociétés déstabilisées.
Indépendamment des points de doctrine et de quelques autres différences, les principales religions du monde, dans leur ensemble, aident les gens à se transformer et à devenir des êtres humains accomplis.
Toutes mettent en évidence l'importance de l'amour, de la compassion, de la patience, de la tolérance, du pardon, de l'humilité, de la discipline, etc. Dans le domaine de la religion aussi, nous devons donc faire nôtre le concept de pluralité.

Dans le contexte de la mondialisation naissante, toutes les formes de violence, dont la guerre, sont des moyens tout à fait inadaptés pour résoudre les conflits.
La violence et la guerre ont toujours fait partie de notre histoire. Autrefois, il y avait des vainqueurs et des vaincus.
Mais, aujourd'hui, si un conflit mondial devait avoir lieu, il n'y aurait plus aucun vainqueur. Nous devons donc avoir le courage et le discernement de réclamer un monde sans armes nucléaires et sans armées nationales, à long terme. Depuis les terribles attaques qui ont eut lieu aux Etats-Unis, la communauté internationale doit tout tenter pour que cet événement horrible et odieux serve à développer un sens de la responsabilité à l'échelle du monde permettant que prévale l'usage du dialogue et de la non-violence pour résoudre les différends.

Le dialogue est la seule façon raisonnable et intelligente de résoudre les différends et les conflits d'intérêts, entre les hommes comme entre les nations.
Promouvoir une culture de dialogue et de non-violence pour l'avenir de l'humanité est un devoir auquel la communauté internationale ne saurait se soustraire.
Il ne suffit pas, pour les gouvernements, d'approuver le principe de la non-violence ; encore faut-il accompagner cette approbation d'une action adaptée, susceptible de la soutenir et de l'encourager.
Si l'on veut que la non-violence l'emporte, il faut mettre en ouvre des mouvements non-violents dotés de moyens aptes à leur assurer le succès. Certains disent du vingtième siècle qu'il aura été un siècle de guerre et de sang.
Je crois que le défi qui nous est lancé aujourd'hui est de faire du nouveau siècle un siècle de dialogue et de non-violence.

Par ailleurs, dans le règlement des conflits, nous manquons trop souvent de bon sens et de courage.
Nous n'accordons pas l'attention qu'il faudrait aux événements générateurs de conflit potentiel quand ils n'en sont encore qu'à leur début.
Une fois que les circonstances ont évolué jusqu'à atteindre une très lourde charge émotionnelle chez les populations ou les communautés, il est extrêmement difficile, sinon impossible, d'éviter que la situation explose.
Le cas s'est répété maintes et maintes fois.
Nous devons donc apprendre à détecter les signes avant-coureurs de conflit et avoir le courage de traiter le problème avant qu'il n'ait atteint son point critique.

Je reste convaincu que la plupart des conflits entre les hommes peuvent trouver leur solution dans un dialogue authentique, mené dans un esprit d'ouverture et de réconciliation.

Partie du Discours de Sa Sainteté le Dalaï Lama au Parlement Européen
24 Octobre, 2001

 

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