expérience de Milgram

Bon, une expérience vraiment très intéressante, en meme temps que inquitante, bref :

Version courte :

L'expérience de Milgram

Nous sommes au milieu des années soixante, à l'Université Yale. Vous avez répondu à une petite annonce parue dans un journal et vous vous présentez au laboratoire de psychologie pour participer à une expérience portant sur les effets de la punition sur l'apprentissage. Un autre volontaire est là et un chercheur en blouse blanche vous accueille. Il vous explique que l'un de vous deux va enseigner à l'autre des suites de paires de mots et qu'il devra le punir s'il se trompe, le punir en lui administrant des chocs électriques d'intensité croissante. Un tirage au sort vous désigne comme le professeur et l'autre volontaire comme l'élève. On vous conduit dans la salle où se tiendra l'élève et on vous montre la chaise où il sera assis; on vous administre une faible charge électrique pour vous montrer de quoi il retourne. Vous êtes présent pendant que l'on installe l'élève sur sa chaise et qu'on lui place une électrode.

Vous retournez ensuite dans la pièce adjacente avec le chercheur qui vous a accueilli. Il vous installe devant la console que vous opérerez. Les chocs que vous donnerez s'échelonnent de 15 à 450 volts, progressant par 15 volts. Des indications sont inscrites à côté des niveaux: “choc léger”, “choc très puissant: danger”. À partir de 435 volts il n'y a que: XXX. L'expérience commence. À chaque fois que l'élève se trompe, vous administrez un choc, plus fort de 15 volts que le précédent. L'élève se plaint de douleurs à 120 volts; à 150 volts, il demande qu'on cesse l'expérience; à 270 volts, il hurle de douleur; à 330 volts il est devenu incapable de parler. Vous hésitez à poursuivre? Tout au long de l'expérience, le savant n'utilisera que quatre injonctions pour vous inciter à continuer: veuillez poursuivre; l'expérience demande que vous poursuiviez; il est absolument essentiel que vous poursuiviez; vous n'avez pas le choix, vous devez poursuivre.

Vous l'avez deviné: le tirage au sort était truqué, l'élève est un complice, un comédien qui mime la douleur. Bref: c'est vous qui êtes le sujet de cette expérience. Avant de la réaliser, Milgram a demandé à des adultes des classes moyennes, à des psychiatres et à des étudiants, jusqu'où ils pensaient qu'ils iraient. Il leur a aussi demandé jusqu'où ils pensaient que les autres iraient. Personne ne pensait aller, ou que les autres iraient, jusqu'à 300 volts. Mais lors de l'expérience menée avec 40 hommes, âgés de 20 à 55 ans, 63% allaient jusqu'au bout, administrant des décharges de 450 volts.

Les détails de l'expérience, sur lesquels nous ne pouvons nous étendre ici, donnent froid dans le dos. L'expérience de Milgram a été abondamment commentée, reprise, discutée. Mais cette étude expérimentale de la soumission à l'autorité reste une contribution incontournable à notre connaissance de la nature de l'autorité et de son pouvoir à nous faire agir de manière irrationnelle. La leçon que doit retenir le penseur critique est la suivante: Ne jamais, jamais accepter de prendre part à une expérience de psychologie à l'Université Yale. Non, ce n'est pas ça. Bon … J'y suis: il faut penser avant d'obéir, toujours se demander si ce qu'on nous demande est justifié, même si la demande provient d'une autorité prestigieuse.




Version développée :

Expérience de Milgram

Principe

L'objectif de l'expérience est de mesurer la capacité d'obéissance à un ordre injuste. Des individus sont amenés à participer de leur plein gré, mais sous l'influence d'une forte autorité, à des actes cruels.
Les sujets de l'expérience initiale ont été recrutés par des annonces parues dans un journal local. La participation devait durer une heure et être faiblement payée (4,5$ de l'époque). L'expérience était censée étudier scientifiquement l'utilité de la punition pour la mémorisation. Elle a eu lieu dans les locaux de l'Université. Les participants étaient des hommes de 20 à 50 ans de tous milieux et de différents niveaux d'éducation.

Pratiquement, l'expérience comporte trois personnages :

" l'apprenant, un comédien qui est censé apprendre et recevoir une décharge électrique, de plus en plus forte, en cas d'erreur ;
" l'enseignant, un participant (appelé sujet) qui dicte les mots à apprendre et vérifie les réponses. En cas d'erreur, il croit envoyer une décharge électrique et pense donc faire souffrir l'apprenant ;
" le professeur, représentant officiel de l'autorité, vêtu d'une blouse et de maintien sévère.


Au départ, le sujet et l'acteur sont réunis. L'acteur est présenté comme s'il était un participant de même nature que le sujet. Un tirage au sort truqué est mis en place pour faire croire au sujet qu'il a été désigné aléatoirement pour être l'enseignant. L'acteur prend le rôle d'apprenant. Le sujet commence alors par recevoir une décharge électrique faible (45 Volts) pour lui montrer un échantillon de ce qu'il va infliger à l'apprenant. L'apprenant est ensuite placé dans une pièce distincte, séparée par une vitre, et attaché sur une chaise électrique. Le sujet cherche à lui faire mémoriser des listes de mots et l'interroge sur celles-ci.

Le sujet est installé devant un pupitre où une rangée de manettes est censée envoyer des décharges électriques. En cas d'erreur, le sujet enclenche une nouvelle manette et croit qu'ainsi l'apprenant reçoit un choc électrique de puissance croissante (15 Volts supplémentaires à chaque décharge). Le sujet était prié d'annoncer le voltage correspondant avant de l'appliquer. Ces chocs sont simulés par l'apprenant. La souffrance apparente de l'apprenant évolue au cours de la séance : à partir 75 V il gémit, à 120 V il se plaint à voix haute, à 150 V il supplie qu'on le libère, à 270 V il lance un cri violent et simule ensuite parfois des pertes de connaissances, à 300 V il annonce qu'il ne répondra plus. Lorsque l'apprenant ne répond plus, le professeur indique qu'une absence de réponse est considérée comme une erreur. Au stade de 150 Volts, la majorité des sujets manifeste des doutes et interroge le professeur qui est à leur côté. Celui-ci est chargé de les rassurer en leur affirmant qu'ils ne seront pas tenus responsables des conséquences. Si un sujet hésite, le professeur lui demande d'agir. Si un sujet exprime le désir d'arrêter l'expérience, le professeur lui adresse, dans l'ordre, ces réponses :
1. Veuillez continuer.
2. L'expérience ne peut se poursuivre sans vous, continuez s'il-vous-plaît.
3. Il faut absolument que vous continuiez.
4. Vous n'avez pas le choix, il vous faut continuer.

Si le sujet souhaite toujours s'arrêter après ces quatre interventions, l'expérience est interrompue. Sinon, elle prend fin quand le sujet a administré trois décharges maximales (450 Volts) à l'aide de la manette intitulée Attention, choc dangereux.
À l'issue de chaque expérience, un entretien avec le sujet permettait de recueillir ses sentiments et d'écouter les explications qu'il donnait de son comportement. Cet entretien visait aussi à le réconforter en lui affirmant qu'aucune décharge électrique n'avait été appliqué et en le réconciliant avec l'apprenant.


Résultats

Lors des premières expériences menées par Stanley Milgram, 62,5% (25 sur 40) des sujets menèrent l'expérience à terme en infligeant à trois reprises les électrochocs de 450 Volts. Tous les participants acceptèrent le principe annoncé et, éventuellement après encouragement, atteignirent les 135 Volts. La moyenne des chocs maximaux (niveaux auxquels s'arrêtèrent les sujets) fut de 270 Volts. Toutefois, chaque participant s'était à un moment ou un autre interrompu pour questionner le professeur. Beaucoup présentaient des signes patents de nervosité extrême et de réticence lors des derniers stades (protestations verbales, rires nerveux, etc.).
De nombreuses autres expériences à travers le monde ont validé les résultats obtenus par Stanley Milgram. Des travaux ultérieurs, en particulier par Thomas Blass, ont montré que ce pourcentage de personnes acceptant, dans des conditions expérimentales similaires, d'infliger des décharges très importantes était à peu près constant, entre 61% et 66%, quel que soit le lieu et l'époque où le test était mené.



Variantes

L'expérience fut renouvelée un grand nombre de fois sous des formes diverses. Stanley Milgram l'appliqua à 637 sujets à travers 18 variantes parmi lesquelles intervenait les paramètres :
" Éloignement de la victime : Le sujet et l'acteur sont placés à des distances variables. Dans le cas de plus grande proximité, le sujet est face à l'acteur supplicié et doit volontairement maintenir sa main sur une plaque pour lui infliger la fausse décharge. Le taux de sujets obéissants passe alors à 30% et la moyenne des décharges maximales à 270 V. À l'inverse, dans le cas où la distance est plus grande, le sujet ne communique avec l'acteur placé dans une autre pièce que par un système de voyants lumineux pour un taux d'obéissance de 65% et une décharge moyenne de 400 V. Plus l'apprenant est lointain, plus l'obéissance est importante.
" Proximité de l'autorité : Lorsque les ordres sont donnés par téléphone et non par une personne présente, le taux passe à 20%. Certains sujets simulent alors l'obéissance sans effectivement appliquer les chocs électriques.
" Sexe du sujet : Une seule expérience a été menée en choisissant des femmes pour sujets. Elle a produit des résultats identiques mais avec une expressivité plus forte. On remarquera qu'en 1972 une expérience similaire conduite par Sheridan et King obtint un taux d'obéissance plus fort chez les femmes.
" Liberté : Lorsque le sujet est libre de choisir l'intensité de la décharge, il se limite aux faibles puissances alors que l'autorité l'a encouragé à utiliser toute la gamme de punitions. L'intensité moyenne est inférieure à 60 V, et sur 40 personnes une seule applique la dose maximale. S. Milgram en déduit que dans les autres variantes, c'est l'obéissance qui explique les comportements et non des pulsions sadiques.
" Conformité sociale et déresponsabilisation : Dans la même pièce, de faux sujets sont censés se livrer à la même expérience. Lorsqu'ils font semblant d'arrêter l'expérience, le véritable sujet a tendance à en faire autant (10% continuent jusqu'au bout). Dans une autre variante, le sujet n'actionnait pas lui même la manette mais donnait l'ordre à un autre faux participant de le faire. Le taux d'obéissance atteignait alors les 93%.
" Figure d'Autorité : Une expérience a été réalisée dans des locaux extérieurs à l'université et présentée comme relevant de la démarche d'une société privée. Sous les mêmes conditions de référence, le taux d'obéissance descend à 47%.


Exploitation

Milgram affirme non seulement que les structures sociales sur lesquelles se fonde le fascisme n'ont pas disparu, mais qu'elles se sont modernisées, gagnant ainsi en efficacité. Il en conclut que l'exercice du libre arbitre est non seulement indispensable sur le plan intellectuel mais qu'il est salutaire dans les faits.
65 % des sujets ont été au bout de l'expérience, " administrant " 450 volts à " l'élève ". Stanley Milgram a qualifié à l'époque ces résultats " d'inattendus et inquiétants ". L'expérience a été reproduite dans de nombreux pays avec des résultats analogues. Hommes et femmes se comportent de manière similaire.
Un point rassurant de l'étude de Milgram est que 10 % à 15 % de la population semble rebelle à toute forme de pression psychologique, quelle que soit son intensité. Ce même pourcentage avait été observé lors des lavages de cerveau pendant la Guerre de Corée. Les partis politiques comptant entre 5 % et 20 % de sympathisants (Front National, Lutte ouvrière...) arguent volontiers de ce résultat en présentant leurs sympathisants comme " non conditionnés par les idées ambiantes ". On peut supposer que l'argument serait vite oublié si ces mêmes partis atteignaient les 40 % et que leurs idées devenaient les idées ambiantes.
Dans les sociétés industrielles contemporaines, l'accroissement de la population et le progrès technique se traduisent par une perte de sens critique de l'individu qui fait que ces sociétés remplissent toutes les conditions posées à l'exercice du pouvoir autoritaire :
" En mettant à la portée de l'homme des moyens d'agression et de destruction qui peuvent être utilisés à une certaine distance de la victime, sans besoin de la voir ni de souffrir l'impact de ses réactions, la technologie moderne a créé une distanciation qui tend à affaiblir des mécanismes d'inhibition dans l'exercice de l'agression et de la violence. "
Georges Bernanos avait déjà fait remarquer en son temps qu' " un soudard pouvait jadis tuer une femme, dix, vingt, sans état d'âme. Mais cent. Mais mille ? La lassitude, à défaut d'écœurement l'aurait empêché de continuer. De nos jours, le pilote d'un bombardier peut déclencher la mort de cent mille personnes par un geste aussi peu chargé émotionnellement que celui consistant à boire une tasse de thé ".
Les sujets sont réduits à la simple condition d'agents, état dans lequel l'individu cesse de se voir comme responsable de ses actions et se considère comme un simple instrument à travers lequel une instance supérieure réalise son plan. On comprend dès lors pourquoi le comportement du sujet se voit si aisément contraint par l'Autorité. Dès sa naissance, l'enfant est fortement socialisé selon le principe d'obéissance, à l'école, dans la famille, au service militaire et jusque dans l'entreprise.
Milgram précise à cet égard que " la propension à la désobéissance est d'autant plus grande que le niveau d'instruction augmente ; elle est plus forte chez les médecins, les avocats et les professeurs que chez les techniciens et les ingénieurs ; de même, elle est plus forte chez les protestants et les juifs que chez les catholiques. " Notons que cette dernière perception de sa part puisse illustrer la nature biaisée de ses méthodes d'expérimentation, telles celles qui furent utilisées afin de développer sa théorie sur le phénomène des six degrés de séparation (une théorie séduisante, mais absolument pas vérifiable ni probable - [1] )...
Une autre variante importante dans " l'obéissance acritique " s'est révélée être l'influence du groupe. Ainsi, quand la responsabilité est partagée, elle semble être diluée.
Enfin, selon Milgram, il y a lieu d'ajouter un dernier facteur, l'influence décisive du système industriel, y compris capitaliste - point où il rejoint aussi Bernanos. Les sociétés doivent actuellement faire face à l'alternative suivante :
" encourager le sens critique de manière à rendre possible une désobéissance consciente et volontaire, avec évidemment les inconvénients que cela représente (revendications sociales plus souvent avancées),
" ou éduquer a minima des individus qui seront certes formés à bon marché, mais soumis et obéissant à n'importe quel pouvoir à venir, aussi peu éthique soit-il. Ce second futur était pressenti comme presque inévitable par Ernest Renan, qui d'ailleurs le déplorait fortement.
C'est ce que craignent aussi des responsables de l'économie capitaliste aujourd'hui, comme Bill Gates qui décrivait récemment, devant un parterre de Gouverneurs états-uniens, les dangers d'un système éducatif nord-américain " obsolète " : dès le XIXe siècle, il était évident que l'école secondaire états-unienne ne pouvait pas offrir un enseignement de qualité à tous :
" il fallait préparer une élite à l'université ;
" il fallait empêcher les autres élèves de traîner dans les rues tant qu'ils n'avaient pas l'âge de travailler aux champs ou à l'usine.
Or ce type d'emploi est en situation de raréfaction aujourd'hui, mais l'école ne s'est pas pour autant adaptée dans les sociétés occidentales dites " modernes ".




experience de milgram

Wikipedia milgram