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Oscar Arias Sanchez (Costa Rica) Prix Nobel de la paix en 1987
Discours prononcé lors d’une conférence des lauréats
du prix Nobel de la paix à Charlotteville (USA) en 1998
J’ai été invité à parler de l’idée
d’un code international de conduite sur les transferts d’armements.
D’abord je dois replacer cette idée dans le contexte de la lutte
pour la sécurité à laquelle nous sommes confrontés
en ce moment. Je suis sur que vous avez vu et revu les images de la chute du
mur de Berlin, entendu des journalistes évoquer la fin de la guerre froide
et évoquer le début d’une ère nouvelle.
Peu de terme sont aussi important aujourd’hui que celui de « mondialisation
».
Mais si beaucoup de gens emploi ce mot, rares sont ceux qui prennent le temps
d’analyser ce concept. La mondialisation tend à caractériser
notre époque, mais elle semble aussi avoir quelque chose de fatal. Les
progrès technologiques et l’apparition de marchés complexes
ont sans conteste développé les affinités entre différentes
sociétés, en permettant la circulation rapide des personnes et
des informations.
Mais le mot « mondialisation » recouvre plusieurs phénomènes
différents. Les conceptions traditionnelles des économies et de
l ‘économie sont en train de changer. Pour certains, le nouveau
système économique signifie la possibilité d’investir
a l’échelle de la plante, en minimisant les coûts de main
d’œuvre et en maximisant les profits. Pour d’autres, plus nombreux,
la nouvelle économie signifie la fin de la sécurité de
l’emploi et la réapparition des ateliers ou travaille ne main d’œuvre
exploitée. Les structures gouvernementales doivent elles aussi s’adapter
au nouvel ordre mondial. Les états se retrouvent affaiblis face à
des accords qui ignorent les frontières nationales et face à la
circulation des capitaux.
Les 1500 milliards de dollars qui circulent chaque jour autour de la planète
échappent largement à toute forme de contrôle officiel.
La mondialisation, comme Janus à donc 2 visages : elle assure une prospérité
inimaginable à ceux qui détiennent les connaissances et qui ont
été favorisés par la naissances, tout en condamnant à
la misère les plus démunis ? Le système encourage la consommation
frénétique de quelque uns, mais refuse la satisfaction des besoins
élémentaires du plus grand nombre.
Qui peut accepter les priorités d’un système dans lequel
les américains dépensent 8 milliards de dollars par an en produit
de beauté, alors que 6 milliards de dollars suffiraient à faire
bénéficier toute la population mondiale d’un enseignement
élémentaire ?
Les européens dépensent 11 milliards de dollars chaque année
pour manger des glaces, alors que nous savons que 9 milliards de dollars permettraient
de faire vivre dans des conditions d’hygiène satisfaisantes et
d’approvisionner en eau tous les habitants de la planète.
Les divergences sur la mondialisation sont longtemps restées au second
plan, mais aujourd’hui les choses ont changé. Vous savez tous que
nous traversons une crise financière. Même les grands prêtres
de la dérégulation des marchés, incapables d’enrayer
la panique, sont descendus de leur Olympe. Au lieu de célébrer
la bienveillance capricieuse de la main invisible, beaucoup se contentent de
prier pour que l’effondrement total n’ait pas lieu. Jeffrey Sachs,
l’économiste de Havard qui a supervisé la « Thérapie
de choc » appliquée en Russie et dans une grande partie de l’Europe
de l’est, dit aujourd’hui que le rêve d’une libéralisation
économique rapide s’est effondré .
Mais les analystes de Wall Street, surtout préoccupés des performances
de leurs fonds d’investissement, ne parle pas de la dimension humaine
de cette crise. Imaginez que la moitié des personnes que vous connaissez,
-qui disposent de revenus modestes mais convenables- se retrouvent soudain plongés
dans une effroyable pauvreté. C’est ce qui et arrivé à
nos frères et nos sœur d’Indonésie, ou 100 millions
de personnes subissent les effets terribles de la panique financière.
Les économies de la Thailande et de la Corée du Sud ont subi un
recul de 45% au cours des 2 dernières années ; la devise de la
Corée du Sud a perdu 50% de sa valeur au cours de l’année
dernière, subissant une chute spectaculaire en quelques jours. Lorsque
les ondes de choc de cette dévaluation se propagent dans la société,
se sont les populations les plus vulnérables sur le plan économiques
qui sont le plus durement touchées.
Ces personnes n’ont pas besoin qu’un analyste des marchés
leur expose les faiblesses d’un système économique fondé
sur la cupidité et la spéculation plutôt que sur les besoins
des hommes.
De plus les gens ayant un minimum de générosité ne peuvent
que trembler lorsqu’ils considèrent la situation actuelle en Russie,
cocktail à base d’insécurité militaire et de désespoir.
Chaque jour nous apprenons que les 22000 armes nucléaires stockées
en Russie sont de moins en moins bien protégées. L’espérance
de vie des hommes est passée de 56.6 ans avant les réformes économiques
à 57 ans aujourd’hui, un recul inédit en temps de paix,
en l’absence de catastrophe majeure. Alors que l’hiver s ‘annonce,
des millions de personnes risquent de mourir de faim et de froid, a moins que
la communauté internationale ne décide une intervention humanitaire
massive, et pas seulement une mise en liberté sous caution pour les riches
investisseurs.
Donc, si la guerre froide a bien pris fin, elle n’a pas été
suivie de l’ere de prospérité annoncée. Comment parler
de paix quand des milliers de personnes travaillent dans des conditions inhumaines
?
Comment parler de paix quand les 2tats unis construisent de + en + de prison
et de – en – d’écoles ?
Comment parler de paix quand tant d’êtres humains souffrent de la
faim ?
Le moment présent exige que nous pensions la paix autrement. Traditionnellement,
la paix est pour nous une question de sécurité nationale. Le programme
de développement des nations unies, cependant, souligne qu’il est
nécessaire de poser le problème de la paix en termes de sécurité
humaine. Cette différence mérite d’être soulignée.
La sécurité humaine dépasse les questions d’armements
– c’est le souci de la vie et de la dignité humaines. La
paix réside dans le silence des bombes et des armes à feux. Mais
elle doit aussi intégrer le souci du bien être et de la santé
de tous, car tant que la pauvreté et l’inégalité
demeureront, les conflits armés seront inévitables.
En pleine crise économique dans les années 30, Franklin d Roosevelt
découvrit 40 millions de personnes « mal logées, mal vêtues,
mal nourries ». Aujourd’hui avec notre vision à l’échelle
mondiale, nous avons sous les yeux un nombre 30 fois supérieur de citoyens
vivant dans des conditions effrayantes. Près des 3/5 des 4.44
milliards de personnes vivant dans le monde en développement n’ont
pas accès à des canalisations en bon état : 1/3 n’ont
pas accès à une eau de qualité acceptable et 1/5 n’ont
pas accès aux soins qu’offre la médecine moderne. En conséquence
40000 enfants meurent chaque jour de de malnutrition et de maladie, et près
du tiers des habitants des pays les moins développées ne dépasseront
pas l’age de 40 ans. Alors que le monde globalement consomme 34000 milliards
de dollars de biens et de services chaque année, la planète compte
1, 3 milliards de personnes qui ont des revenus inférieurs à 1
dollar par jour.
Nos société ont toujours connu la pauvreté et
la souffrance, mais ce qui rend la pauvreté intolérable aujourd’hui
c’est qu’elle côtoie une opulence inimaginable. Aujourd’hui
les 3 individus les plus riches de la planète ont des fortunes supérieures
au PNB des 48 pays les plus pauvres.
Aux états unis, les 20% les plus riches de la population gagnent 9 fois
plus que les 20% les plus pauvres ; ce pays est un de ceux ou la richesse est
le plus mal distribuée. En réalité, notre société
globale ne peut se permettre ces inégalités. Les gens épris
de paix et de justice ne peuvent laisser se perpétuer de telles inégalités.
Malheureusement, très peu de dirigeants politiques sont disposés
à se dresser contre la pauvreté et l’inégalité.
Malgré les immenses possibilités de progrès moral à
l’heure actuelle, l’âpreté du gain et le militarisme
subsistent.
Il y a un scandale plus profond et plus choquant que tous ceux auquel peuvent
être confrontés les responsables politiques, un scandale auquel
peu de dirigeants ont le courage de faire face.
Le vrai scandale, c’est que plutôt que de décréter
la fin de la pauvreté dans le monde, tant de responsables politiques
et d’hommes d’affaires entretiennent un désordre économique
mondial fondé sur le cynisme et la propriété individuelle.
Le vrai scandale est que, plutôt que de promouvoir des valeurs de générosité
et de solidarité, les dirigeants laissent tranquillement les + riches
s’enrichir aux dépens des pauvres et des travailleurs. Le vrai
scandale, c’est que les responsables disent aux gens ce que ceux-ci souhaitent
entendre plutôt que ce qu’ils ont besoin d’entendre.
Ces mêmes hommes politiques sous estiment les conséquences de
la misère dans les billes et de la pauvreté en général,
qui découragent tous ceux qui rêvent d’une société
plus juste, plus humaine.
Vous n’aurez aucun mal a comprendre les paroles de J.F.Kennedy, qui a
fait ses études dans cette université : « si la pauvreté
n’es pas notre lot à tous, la pauvreté nous concerne tous..
La réalité de la pauvreté et de l’injustice pénètre
le moindre région, la moindre banlieue et la moindre ferme de ce pays..
Notre Amérique idéale est une nation dans laquelle règne
la justice. Par conséquent, l’existence continue de l’injustice
– d’une pauvreté inutile et inexcusable dans ce pays favorisé
entre tous-, la connaissance de cette réalité dégrade notre
idéal de l’Amérique, le sentiment fondamental de notre identité.
C’est au sens le plus profond du terme, démoralisant pour nous
tous. »
Ce désarroi moral ne prendra fin que si les citoyens du monde exigent
une nouvelle éthique pour le nouveau millénaire. Quand Voltaire
a écrit Candide, il y a + de 200 ans, il était parfaitement conscient
des problèmes moraux que posait l’unification de la planète.
Dans ce conte de Voltaire, Candide rencontre au Surinam un esclave noir qui
a perdu la jambe gauche et la main droite. Cet esclave a eu la main tranchée
parce qu’il s’était pris les doigts dans la meule d’une
sucrerie ; on lui a coupé la jambe parce qu’il avait voulu s’enfuir.
« C’est à ce prix la que vous mangez du sucre en Europe »
lui fait dire Voltaire.
Si une réflexion morale à l’échelle de la planète
était nécessaire au temps de voltaire, cet épisode prends
tout son sens à l’ère de la mondialisation. En tant qu’américains,
aujourd’hui, vous n’avez qu’a regarder les étiquettes
des vêtements que vous portez et vous interroger sur le salaire de ceux
qui les ont fabriqués pour comprendre que vous participez déjà
à un système global qui procure une grande richesse a quelque
uns en condamnant les autres à la misère. La question n’est
pas de savoir si vous étés concernés par le défi
moral de la mondialisation, mais de savoir ce que vous ferez.
Serez vous, par votre apathie, complices des injustices que j’ai mentionnés
? Ou bien, par votre action rejoindrez vous ceux qui combattent pour la sécurité
humaine ?
Le nationalisme étroit appartient au passé. Aujourd’hui,
nous sommes obligés de reconnaître que la destruction de l’environnement,
la consommation ostentatoire et l’accumulation des armements sont des
problèmes globaux, qui nous concerne tous.
Chacun de vous doit s’interroger sur le privilège dont il jouit
en tant que citoyen d’un pays riche et assumer la responsabilité
qui va avec ce privilège.
Vous n’avez pas a vous sentir coupables des dons que vous avez reçus,
mais a vous engager dans un combat pour que tout le monde puisse mener une vie
respectable.
Ne vous laissez pas écrasé par l’ampleur des problèmes,
au contraire, soyez déterminés à vaincre la pauvreté
et l’inégalité, car cette détermination est synonyme
d’espoir, et c’est l’espoir qui permet aux gens de s’unir
pour changer le monde.
Beaucoup de progrès ont été accomplis. Le programme de
développement des nations Unis précise qu’au cours des 50
dernières années la pauvreté a diminuée plus qu’au
cours des 500 dernières années. La mortalité infantile
dans le monde en développement a diminué de 2/3 par rapport a
ce qu’elle était en 1960. Au cours de la même période
; l’espérance de vie dans les pays les + pauvres s’est allongée
de + de 15 ans, essentiellement grâce à une véritable révolution
dans l’accès des femmes à la médecine moderne.
Je ne dis pas cela pour que vous relâchiez vos efforts mais pour vous
donner une idée de l’immensité des progrès qui peuvent
être accomplis. Il a fallut toute l’obstination des abolitionnistes
pour mettre fin au fléau de la l’esclavage. De la même façon,
unissons nous pour mettre fin au fléau de la pauvreté. Les adversaires
implacables du colonialisme ont fini par supprimer les colonies. Unissons nous
maintenant aux peuples opprimés pour que tous puissent connaître
la liberté.
Les Etas unis ont tendance a dresser un tableau enjolivé de la prospérité
générale et ont souvent du mal à reconnaître le soutien
qu’ils accordent a l’injustice. Dans un discours récent à
destination du peuple russe, le président Clinton à défendu
l’idée que les pays du monde devaient, je cite, « exploiter
le génie de nos citoyens non pour fabriquer des armes mais pour améliorer
la communication, vaincre les maladies, combattre la faim, et explorer l’espace
».
Malheureusement on peut s’interroger sur la part de cynisme contenue
dans ces paroles optimistes. Le président Clinton parle des bienfaits
du désarmement alors que les missiles américains sont utilisés
au Soudan et que les crédits accordés aux militaires sont supérieurs
aux demandes du Pentagone. Les responsables politiques américains, et
même les membres de l’administration Clinton, parlent en théorie
des avantages de la démilitarisation, mais, en pratique, ils vendent
des armes destructrices.
Depuis la fin de la guerre froide, de nombreux pays industrialisé ont
diminué leur dépense militaire. En conséquence, les marchands
d’armes de ces pays ont cherché de nouveaux clients dans le monde
en développement, ou se déroulent la majorité des conflits
actuels. Les états unis sont un cas extrême. A l’heure actuelle,
cette nation est impliquée dans 44% des ventes d’armes dans le
monde. Entre 1993 et 1996, 85% des armes américaines vendues a des pays
en développement ont été acheté par des gouvernements
non démocratiques. A la fin de l’année 1997, des armes fabriqués
aux états unis étaient utilisées dans 39 des 42 conflits
ethniques et territoriaux en cours dans le monde.
Il est inacceptable qu’un pays croyant en la justice et la démocratie
continue à laisser les marchands d’armes accumuler des profits
tachés du sang des victimes. Des sommes énormes versées
par les contribuables sont consacrées à soutenir ce commerce immoral.
En 1995, l’industrie d’armement américaine a bénéficié
de 7.6 millions de dollars de subventions fédérales, ce qui revient
a accorder une rente énorme à des profiteurs milliardaires.
Pour comprendre le véritable coût humain du militarisme et le
véritable effet des vents d’armes incontrôlées, il
faut savoir que la guerre n’es pas seulement un acte de destruction :
c’est aussi une occasion ratée d’investir dans l’être
humain.
C’est un crime contre les enfants qui ont besoin de nourriture
plutôt que de fusils, contre les mères qui ont besoins de vaccins
et non d’avions de combat coûtant plusieurs millions de dollars.
Les dépensent militaires représentent 780 milliards de dollars
en 1997 : elles sont la négation la plus grave des priorités véritables
à l’échelle mondiale. Si nous consacrions seulement 5% de
cette somme dans les 10 prochaines années à lutter contre la pauvreté,
la population mondiale jouirait d’une protection sociale minimale. 5%
supplémentaire, soit 40 milliards de dollars, permettraient en 10 ans
d’assurer à tous les habitants de la planète un revenu supérieur
au seuil de pauvreté.
Malheureusement, la moitié des gouvernants dans le monde dépensent
plus pour la dépense que pour leurs programmes de santé (c’est
le cas en France aussi). De telles aberrations dans les budgets publics entretiennent
la pauvreté et retardent le développement humain.
La guerre et les préparatifs a la guerre sont un des grands obstacles
au progrès humain, entretenant un cercle vicieux : accumulation des armements,
violence, pauvreté.
On dispose d’innombrables exemples de cas ou les dépenses d’armement
ont engendré les souffrances et l’injustice. Un des meilleurs exemples
est peut être celui de la course aux armements que se livrent l’inde
et le Pakistan, une course entretenue par leur rivalité concernant le
Cachemire. L’inde à consacré + de 12 milliards de dollars
à ses dépenses d’armements de 1988 et 1992, + que l’Arabie
Saoudite ou l’Irak au cours de la même période. De 1978 à
1991, les dépenses du Pakistan ont été multipliées
par 7, si bien que la défense représente maintenant près
de 40 % de toutes les dépenses publiques du Pakistan. Plus récemment,
ces pays ont réveillé le spectre de la guerre nucléaire
en procédant à des essais atomiques auxquels ont été
accordée une grande publicité. Il faut espérer que des
voix courageuses s’élèveront dans ces pays pour pousser
leurs dirigeants à respecter le Traité Général d’interdiction
des essais nucléaires, un accord que n’a pas encore ratifié
le congrès américain.
Les conflits régionaux et les attentats terroristes nous ont appris
que les ventes d’armes ne nuisent pas seulement aux populations des pays
pauvres mais se retournent contre les citoyens des pays développés.
Quand les législateurs comprendront-t-ils que personne ne sera en sécurité
tant que les marchands d’armes tireront profit de la mort ? Depuis plus
d‘un an maintenant, je défends le principe d’u code international
de sur les transferts d’armements, un vaste projet international visant
à codifier et contrôler les ventes d’armes. Ce code stipule
que toute décision d’exporter des armes doit tenir compte de plusieurs
caractéristiques des pays acheteurs. Ceux ci doivent respecter la démocratie,
donc organiser des élections libres et honnêtes, respecter l’état
de droit et accepter le principe d’un contrôle civil sur l’armée
et les forces de sécurité. Leurs gouvernements ne doivent pas
commettre de grossières violations de droits de l’homme. Le code
international de conduite interdirait de vendre des armes a u pays participant
à une agression armée en violation du droit international.
Beaucoup de gens pensent q’un tel code n’est pas réaliste,
parce qu’il fait passer le souci de la vie humaine avant la recherche
du profit ; pas réaliste parce qu’il fait passer les pauvres qui
réclament des écoles et des médecins avant les dictateurs
qui exigent des fusils et des avions de combat. A une époque caractérisée
par le cynisme et la cupidité, toutes les idées justes sont considérées
comme irréalistes. On vous décourage quand vous dites que nous
pouvons vivre en paix. On se moque de vous quand vous dites que nous pouvons
être plus humains.
Je suis fier de souligner que je ne suis pas le seul à dénoncer
ce Statu Quo et soutenir l’idée d’un Code International de
Conduite sur les transferts d’armements. Aujourd’hui je me retrouve
en bonne compagnie pour défendre le principe de ce code ambitieux. Les
prix Nobel de la paix Elie Wiesel, Betty Williams et le Dalai Lama étaient
a mes côtes pour présenter ce code l’année dernière.
Mais aussi José Ramos-Horta, Amnesty international, l’Américan
Friends Service Committee et l’organisation internationale des physiciens
pour la prévention de la guerre nucléaire. Depuis monseigneur
Desmond Tutu et Rigoberta Menchu ont rejoint ce groupe d’irréalistes,
ainsi que Lech Walesa, Adolfo Perz Esquivel, Mairead Maguire, Norman Borlaug,
Joseph Rotblat et Jody Williams. 17 lauréats du prix Nobel de la paix,
plus l’ancien président Jimmy Carter, ont pris la défense
de ce code. Mais il y a plus important, des milliers d’individus, de groupes
et de responsables de communautés ont affirmé qu’un code
de conduite est une idée sérieuse sur le plan moral , mais aussi
un projet politiquement nécessaire. Ce sont ces personnes, avec leurs
convictions, qui permettent de transformer les choses et de réaliser
des progrès.
Même s’il reste beaucoup de travail, ce projet a déjà
avancé. Le 25 mai de cette année, les ministres des affaires étrangères
de l’union européenne se sont mis d’accord sur les termes
du premier Code de conduite sur les exportations d’armements d’Europe,
qu’il reste maintenant à appliquer dans différentes zones
clés. De l’autre coté de l’atlantique, ici, aux états
Unis, en raison de diverses manœuvres, un Code de conduite américain
sur les transfert d’armements n’a pas pu être adopté
par un comité de la chambre et du sénat ?Néanmoins, des
défenseurs de ce projet continuent de se battre pour une législation
américaine restreignant de façon générale le commerce
des armes, même s’ils ont contraint l’industrie d’armement
à proposer une version trompeuse et irresponsable de ce code.
Le président Clinton a récemment annoncé que le combat
contre le terrorisme sera une priorité de la politique étrangère
américaine. Si le président et tous les responsables politiques
du pays veulent sérieusement juguler le terrorisme international, ils
doivent commencer par s’interroger sur leur politique de ventes d’armes
a des gouvernements anti démocratiques. De plus, ils doivent soutenir
activement le Code de Conduite international en tant que moyen de réduire
les stocks d’armes dans le monde. Certains représentant courageux
se sont levés pour défendre l’idée de ce code. Hélas,
il ne faut pas s’attendre à ce que tous les représentants,
dont beaucoup bénéficient de la générosité
des marchands d’armes, prennent position contre l’industrie d’armement.
Le congrès dans son ensemble ne répondra aux exigences morales
du Code que si vous tous, présents ici aujourd’hui, exercent une
pression populaire entraînant l’adoption de mesures immédiates.
Mes amis, vous vous souvenez qu’au début de mon intervention j’ai
évoqué le défi sans équivalent pour la sécurité
humaine que représente notre monde complexe et en changement constant.
personne ne peut nier que nous sommes entrés dans l’ère
de la mondialisation. Mais cette nouvelle ère n’es pas terminée-
son importance reste à déterminer. La mondialisation, si elle
est bien menée, peut en effet constituer une grande occasion de progrès
dans le monde en développement. Nous devons nous souvenir que les marchés
ne sont pas des divinités incontrôlables mais des créations
humaines, soumises à notre surveillance et à nos intervention
? Ce sont ceux qui agissent aujourd’hui qui feront que l’ère
de la mondialisation entrera dans l’histoire comme une époque d’accumulation
de profits et de pillage ou comme une époque de lumière et de
mise en valeur de la diversité. Vous tous qui étés ici,
c’est votre action ou votre passivité qui fera du nouvel ordre
mondial un ordre régi par des principes égoïstes ou au contraire
par le souci de l’égalité et des droits de l’homme.
En conclusion, je tiens a souligner une chose : bien que le Code International
sur le transfert d’armement constitue une étape importante dans
la lutte pour la sécurité et le respect des droits de l’homme,
il n’es pas une fin en soi. La lutte pour la sécurité humaine
ne prendra fin qu’avec la démilitarisation générale
et humanitaire. Elle ne prendra fin que lorsque tout le monde jouira des libertés
fondamentales. Elle ne prendra fin que lorsque toutes les mesures politiques
seront une affirmation décidée de la dignité humaine.
Je ne suis qu’un individu participant à un large mouvement qui
regroupe des individus appartenant à toutes sortes de milieux, qui essaient
de faire triompher des principes de justices. Unissons nos efforts ; lorsque
ceux ci seront suffisants, nous nous embarquerons pour un grand voyage. Notre
chemin sera périlleux, mais notre destination sera une nouvelle planète
Terre, plus humaine. Beaucoup de mes compagnons lauréats, beaucoup de
chercheurs et de militants ici présents ont déjà contribué
à nous conduire dans cette aventure. A tous les autres, je dis que ce
voyage vers un monde meilleur est un voyage qui vaut la peine, et je vous invite
à nous rejoindre.
Merci de votre attention.